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vendredi 16 janvier 2009

La réforme en cours de l'audiovisuel public pose une multitude de questions juridiques.

Nous mettons en ligne l'article d'Olivier Duhamel* paru dans "Les Echos"

" Ce que la réforme de l'audiovisuel dit du droit les échos " [ 15/01/09 ]


La réforme en cours de l'audiovisuel public pose une multitude de questions juridiques.

Sans les évoquer toutes ici, soulignons combien les chemins empruntés par ladite réforme offrent un précieux indicateur de l'étendue et des limites de la malléabilité du droit, des institutions et des hommes.

Malléabilité de la Constitution au tout début de l'aventure, lorsque, il y a un an, le président de la République, auquel notre texte fondamental ne confère pas l'initiative de la loi, annonça de son palais sa décision souveraine de bouleverser l'audiovisuel public en y supprimant toute publicité. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que le président s'arroge un pouvoir de colégislateur - rarement il le fit de façon aussi éclatante.

Malléabilité des hommes, grâce à laquelle le président du groupe parlementaire majoritaire préside une commission, affublée de son nom, mais n'ayant à l'arrivée d'autre objet que de légitimer les choix du « roi », tout ce qui s'en écartait un tant soit peu ayant été jeté aux orties.

Malléabilté des textes, qui fit envisager un temps d'appliquer par décret une loi non votée, mais, le droit n'étant pas corvéable à merci, renoncer pour emprunter une voie de traverse plus extravagante encore puisqu'elle consista à faire voter par le conseil d'administration de France Télévisions, et son président, la suppression de la publicité, au coeur de la loi en discussion. Où l'on touche alors à la limite de ladite malléabilité, y compris dans notre monocratie présidentielle, puisqu'elle se trouve néanmoins dotée d'institutions conservant quelques prérogatives et désireuses de les exercer suffisamment pour n'être pas totalement ridiculisées. Deux d'entre elles se retrouvent ainsi au premier rang, comme souvent en matière de libertés publiques. La seconde chambre se trouve contrainte de discuter d'un projet de loi, dont la disposition la plus forte, la suppression de la publicité, est déjà entrée en vigueur ! Confrontée à cette invraisemblable anomalie, elle se rattrape en arrachant des concessions, notamment sur l'augmentation de la redevance.

Trois hypothèses

On retrouvera la malléabilité du droit, et ses limites, avec le Conseil constitutionnel. En simplifiant, trois hypothèses se présentent. Soit le juge constitutionnel valide la loi, estimant qu'aucun principe constitutionnel n'est violé. Soit il annule les nouvelles conditions de nomination du président de France Télévisions, au nom du respect de la liberté de communication et du pluralisme. Il confirmerait alors sa décision du 27 juillet 2000 : « Considérant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel est une autorité administrative indépendante garante de l'exercice de la liberté de communication ; qu'afin d'assurer l'indépendance des sociétés nationales de programmes chargées de la conception et de la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en oeuvre de la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la «Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789», les articles 47-1 et 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 disposent que les présidents desdites sociétés sont nommés, pour une durée de cinq ans, par cette autorité. » Soit il annule les nouvelles modalités de financement de la télévision publique, considérant que l'instauration d'une « taxe due par tout opérateur de communications électroniques » constitue une atteinte au principe d'égalité : de quel droit ces opérateurs, et non l'ensemble des contribuables ? Accepterait-on que ne soit taxée que la grande distribution ? Les entreprises de presse ? Les avocats et les professeurs ?

Le Conseil constitutionnel pourra choisir entre ces différentes options, ou en inventer une quatrième : malléabilité du droit. Son existence a déjà conduit à conférer au CSA un avis conforme, pour la nomination comme pour la révocation, afin de réduire le risque d'une annulation : consistance du droit.

(*) Professeur des universités à Sciences po, membre du Club des juristes, auteur de « Droit constitutionnel et institutions politiques »,à paraître au Seuil en février.

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