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lundi 19 mai 2014

Lettre ouverte à Rémy Pflimlin de la CFDT Médias et du SNPCA-CGC.

Deux organisations syndicales extrêmement  inquiètes de la  situation catastrophique dans laquelle se trouve France Télévisions, prennent la plume pour dénoncer dans une lettre ouverte le risque d'implosion de la télé publique si rien ne change et que les choses continuent de se dégrader.

France Télévisions est aujourd'hui une entreprise en grand danger il n’existe pas de politique et pas de stratégie à commencer par la stratégie éditoriale des programmes au sein du Groupe qui pourrait disparaitre dans sa forme actuelle, si rien n'est fait pour enrayer le cercle destructeur dans lequel l'ont placé certains depuis 2009.

Voici cette lettre:






Monsieur le Président,

En moins de 6 mois, trois directeurs des Antennes et des Programmes (Philippe VILAMITJANA pour France 2, Thierry LANGLOIS pour France 3 et Sandrine ROUSTAN pour France 4) ont été poussés vers la sortie. 
Pourtant, tous les trois n’étaient pas là par hasard et c’est bien vous, Monsieur le Président, qui les aviez nommés à la tête de ces chaînes. On ne s’improvise pas Directeur des Programmes du jour au lendemain et cette responsabilité est atteinte après un long parcours fait d’expérience, de succès, quelques fois d’échecs, mais surtout avec la vision et la connaissance des programmes jusqu’au dernier détail. Pour chacun d’entre eux, leur CV en matière audiovisuelle en est la preuve.

- Philippe VILAMITJANA, 28 ans de carrière, avait notamment mis en place le format culturel de la chaîne France 5 avec des émissions comme « C’est à vous » et « C’est dans l’air ». 
- Thierry LANGLOIS, 25 ans de carrière, est l’artisan de la remise à niveau de France 3 avec des nouveautés comme le jeu « Harry » ou « Les Carnets de Julie », sans parler de sa politique de fictions et de séries basée sur les spécificités régionales.
- Sandrine ROUSTAN, 20 ans de carrière, a notamment mis à l’antenne des émissions éducatives de qualité comme la « Masterclasse », animé par Pierre LESCURE ou l’émission « Viens dans ma cité », produite par Djamel BENSALAH, primée par l’UER comme le meilleur format de service public, en septembre dernier, et qui avait valu à Sandrine ROUSTAN vos félicitations.

Depuis janvier 2013, vous avez réorganisé la Direction Générale du Groupe en nommant Bruno PATINO à la tête des Antennes, des Programmes et du Numérique. Il est connu pour être un spécialiste du développement numérique et des plates-formes digitales, ayant notamment participé à la création du Monde.fr. Depuis 2010, date de votre nomination à la Présidence du Groupe, il s’occupait déjà du développement numérique. 
En le nommant à la tête des Antennes et des Programmes, vous lui avez assigné pour objectif de définir et de mettre en place une stratégie éditoriale pour les chaînes de France Télévisions, c’est-à-dire une politique de création de programmes qui permette de mieux identifier France 2, France 3, France 4, France 5, France O, afin de mieux les positionner tout en répondant aux différentes missions de service public de l’audiovisuel français. 
Les Directeurs des Antennes et des Programmes de chacune des chaînes étaient donc ainsi placés sous l’autorité de Bruno PATINO.
Un an et demi plus tard, faisons le bilan global de la situation…
Le Groupe a perdu un point d’audience entre 2013 et 2014, ce qui, dans le métier, est considérable. Les recettes publicitaires sont au plus bas et les projections sont alarmantes.
Il n’y a jamais eu autant de destruction de valeur, avec des émissions emblématiques avec « Taratata » et « C’est pas sorcier » qui ont purement et simplement disparu. Les échecs cumulés des acess prime time de la rentrée 2013, « Jusqu’ici tout va bien » avec Sophie ARAM et « L’émission pour tous » de Laurent RUQUIER, peuvent être qualifiés d’accidents industriels.
La chaîne France 4, nouvellement reformatée en chaîne jeunesse en journée et nouvelles écritures en soirée, peine à réunir 1,3 % d’audience, en moyenne, contre 2% la saison dernière, en passant sous silence des échecs abyssaux comme « Tokyo reverse » qui a réalisé moins d’audience que la mire, 29.000 téléspectateurs !
Les chaînes France 2 et France 3 sont dans la confusion totale en programmant la même émission sur les brocantes à quelques moments d’intervalle, l’une avec Charlotte DE TURKHEIM et l’autre avec Eglantine EMAYE.
Les écarts sont de plus en plus inquiétants entre le 20H de TF1 et celui de David PUJADAS, avec parfois deux millions de téléspectateurs de différence.
 La programmation des invités sur « Ce soir ou jamais » amène certains hommes politiques, comme Julien DRAY, à s’indigner publiquement en se demandant si la pluralité est bien respectée, comme doit le garantir le cahier des charges d’une chaîne publique.
Quant à l’Europe, il a fallu l’intervention des députés européens pour obtenir la diffusion d’un débat digne de ce nom, à une heure de grande écoute avant les élections européennes. Le service public oublie à France Télévisions ses missions premières qui sont l’information, la pédagogie et le débat, à la veille d’un scrutin d’importance nationale.
Monsieur le Président, il n’existe pas de politique et de stratégie éditoriale des programmes au sein du Groupe, comme vous sembliez le souhaiter. Depuis plus d’un an et demi, elle brille par son absence et si tant est qu’elle existe, elle nous prépare à des difficultés financières et sociales, sans précédent. Il faut regarder la vérité en face et le refus de la réalité n’est plus possible.
France Télévisions se cantonne à une vision uniquement centrée sur le numérique et le global média qui répondait à l’un de vos objectifs. Pour autant, si créer la télévision de demain est primordial, cela ne peut se faire en négligeant la télévision d’aujourd’hui et pire en la détruisant.
En d’autres termes, à force de vouloir uniquement un virage numérique, France Télévisions tourne en rond. La redevance de nos concitoyens doit en priorité servir à créer des programmes de télévision, des programmes différents d’une chaîne à l’autre, des programmes populaires de qualité en mi-journée, des programmes culturels d’envergures en prime time, des débats nationaux représentant toutes les sensibilités sociales, culturelles et politiques, des émissions reflétant la diversité de la société, sans tomber dans le ghetto identitaire. La priorité du service public doit être le téléspectateur citoyen car France Télévisions c’est le patrimoine de tous au service de tous.
Les budgets de plus en plus importants, dépensés au bénéfice unique du développement numérique alors que vous demandiez sans cesse des économies sur les programmes ne peuvent plus perdurer. Depuis quatre ans, c’est plus de 60 millions d’euros qui ont été dépensés tous les ans pour ce seul objectif, soit 240 millions d’euros de moins pour les programmes. La moitié n’aurait-elle pas suffit pour permettre aussi de développer des programmes emblématiques du service public ? Si on ne créé plus aujourd’hui de programmes, que diffusera-t-on demain sur toutes vos belles plates-formes numériques et sur les antennes du Groupe ?
Les résultats de cette politique du digital à outrance ont des conséquences éditoriales dramatiques sur les chaînes du Groupe, et, ce qui est plus grave, c’est qu’ils n’ont pas d’effets sur les recettes publicitaires internet qui stagnent et qui ne pourront jamais combler le manque à gagner des recettes de publicité générées sur les antennes des chaînes.
La mission d’un service public audiovisuel concerne avant tout le contenu des programmes. Vous entourer seulement de professionnels du numérique ne pourra pas vous aider à développer ces programmes et force est de constater que c’est plutôt l’inverse qui se produit.
Si vous ne changez pas les profils de votre casting, si vous ne rééquilibrez pas les priorités entre numérique et audiovisuel, l’année 2014 sera la pire année jamais connue à France Télévisions, éditorialement, financièrement et socialement. Certains réclameront un plan de licenciement quand d’autres poseront la question de la viabilité et de l’existence même de certaines des chaînes du Groupe. Si la situation ne change pas, il y a non assistance à entreprise publique en danger.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération distinguée.

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